Le jeu de cartes : symbole de la liberté suisse
La pièce de renommée mondiale Guillaume Tell de Friedrich Schiller fut créée sur scène en mars 1804. La représentation à Weimar, mettant en vedette l’histoire du combattant pour la liberté suisse, eut un tel succès que les peintres de cartes de Thuringe copièrent immédiatement les dessins des costumes de théâtre.
La série allemande de cartes inspirée de la pièce arriva en Hongrie via Vienne. Ödön Chwalowszky, peintre de cartes à Budapest, et József Schneider, qui travaillait au 55, rue Kazinczy, publièrent leurs cartes Tell adaptées en 1835.
Les copies hongroises différaient des cartes allemandes et autrichiennes à une seule figure de plusieurs façons. On y trouvait non seulement des allégories des saisons, mais aussi une version à deux têtes de la carte helvétique — ou, dès 1870, également appelée carte hongroise — devenant ainsi un jeu en image miroir.
Avec l’évolution des habitudes de jeu, le nombre de cartes du jeu Tell passa de 36 à 32 après 1850. À cette époque, les quatre cartes rouges portant le numéro VI furent retirées. Elles représentaient le héros suisse tirant une flèche sur la pomme posée sur la tête de son fils Walter.
La maison Schneider–Rothauser : une histoire en constante évolution
En 1869, Mór Rothauser, marchand d’ornements, acheta la plus petite propriété du quartier et, la même année, fit construire un étage supérieur selon les plans de Pál Schusbeck.
Le bâtiment devint un bordel en 1895. Ce fut le troisième en Europe à introduire la règle selon laquelle les courtisanes devaient se baigner au moins deux fois par semaine. Comme les filles se rasaient également les poils intimes dans l’espoir d’un salaire plus élevé, parmi les clients réguliers figuraient le jeune écrivain Gyula Krúdy, le poète syphilitique Endre Ady et le grand conteur Mór Jókai.
En 1907, la maison devint le centre de la représentation hongroise du mouvement théosophique fondé par Helena Blavatsky. Parmi les membres de ce mouvement spirituel ésotérique figuraient notamment Mahatma Gandhi, Albert Einstein et Thomas Edison.
Le mouvement théosophique hongrois comptait parmi ses membres l’inventeur du transformateur Károly Zipernowsky, le peintre Róbert Nádler et l’historien des religions Vilmos Tordai. La société quitta les lieux en 1914.
Un studio d’enregistrement secret et des films interdits
En 1986, Tamás Wichmann, neuf fois champion du monde de canoë, acheta le bâtiment pour y ouvrir un pub nommé Saint Jupiter.
Dans l’appartement situé au-dessus du pub se trouvait un studio d’enregistrement amateur secret, où un homme doublait des films hollywoodiens (par exemple Rambo, Terminator) interdits par l’État socialiste hongrois.
(La duplication de cassettes VHS ne s’y faisait plus.)
Le symbolisme de la Société théosophique et des Templiers
L’emblème de la Société théosophique, qui s’inspire des enseignements gnostiques, incorpore des symboles de plusieurs religions. On peut encore voir cet emblème sur la porte de la maison située au 55, rue Kazinczy : une combinaison harmonieuse de l’étoile de David et de la croix gammée.
L’hexagramme n’était pas à l’origine un symbole juif. Vieux de 70 000 ans, il représentait la fertilité et était utilisé par le roi Salomon pour ses rituels de magie. L’étoile à six branches ne se répandit parmi les Sémites qu’au XVIIe siècle.
En 1648, lorsque les troupes suédoises échouèrent à prendre Prague, l’empereur Ferdinand III récompensa les défenseurs de la ville par une bannière décorative.
Le judaïsme n’ayant pas encore de symbole officiel, les jésuites viennois créèrent l’étoile de David. Selon eux, le roi David arborait sur son bouclier la première et la dernière lettre de son nom, représentées par deux triangles équilatéraux de l’alphabet phénicien.
Les jésuites superposèrent ces deux lettres « D », formant un hexagramme. Ce geste fut mal vu des Juifs.
L’étoile ne se répandit vraiment que lorsque, en 1816, les frères Rothschild furent anoblis barons par l’empereur François Ier. Leurs armoiries, conçues par les jésuites viennois, arboraient l’étoile sur fond rouge (rot schild = bouclier rouge).
Theodor Herzl, né à Budapest, fit de l’hexagramme le symbole du mouvement sioniste en 1891.
Le serpent qui se mord la queue entourant l’étoile de David — l’ouroboros — symbolise l’éternité et le renouveau permanent. La plus ancienne représentation connue de l’ouroboros figure sur le sarcophage de Toutankhamon.
Les Templiers, la malédiction et le vendredi 13
Lorsque le roi de France Philippe IV le Bel et le pape Clément V capturèrent les Templiers dans la nuit du vendredi 13 octobre 1307, ceux-ci furent exécutés sur l’Île des Juifs à Paris pour blasphème, hérésie, homosexualité et simonie.
Selon le Vatican, les Templiers pratiquaient un rituel d’union cosmique en embrassant l’anus — « point de départ du serpent spirituel » — qui remonterait la colonne vertébrale pour s’ouvrir dans le crâne et aspirer la connaissance divine.
Ainsi, l’homme deviendrait dieu.
Le Grand Maître Jacques de Molay fut brûlé vif le 18 mars 1314. Durant son supplice, il maudit le roi et le pape.
Ils moururent la même année. Depuis, le vendredi 13 octobre 1307, jour de la capture, reste associé à la peur du vendredi 13.
La croix gammée : bien avant le nazisme
La croix gammée située au-dessus de l’étoile de David n’était à l’origine en rien un symbole nazi. On la retrouve dans les cultures hindoue, celte, slave, égyptienne et viking. Elle représentait le Soleil, les quatre vents ou la foudre. Pour les bouddhistes, elle est un porte-bonheur.
Après les fouilles de Troie en 1871, la croix gammée fut redécouverte en Occident.
Elle fut utilisée par Coca-Cola, les Boy Scouts américains, ou encore la brasserie Carlsberg.
La maison Schneider–Rothauser
Une histoire de cartes, de liberté et de films interdits